Communiqué de presse du 5 mai 2020
Alors que le personnel de nettoyage assume un travail essentiel dans la lutte contre le COVID-19, les entreprises semblent n’en n’avoir que faire. Au-delà de l’absentéisme de l’association patronale, l’AGENS (Association Genevoise des Entrepreneurs en Nettoyage et de Services), dans les structures paritaires, des nettoyeuses et nettoyeurs membres du SIT dénoncent les agissements de deux PME. Deux cas qui révèlent les pressions et le peu de reconnaissance subis par ces travailleuses et travailleurs. C’est pourquoi elles et ils ont déposé ce 1er mai deux cahiers de revendications intersyndicales à l’attention de l’AGENS ainsi que de l’Etat de Genève.
Des licenciements abusifs...
Ce matin, devant les bureaux de la société TN Technique du Nettoyage SA, trois de leurs employés, soutenus par le SIT, réclamaient leur réintégration avec effet immédiat. Alors que les licenciés tentaient de remettre un courrier en mains propres demandant l’ouverture de négociation quant à leur licenciement, Monsieur BARBER, directeur de la succursale, leur a littéralement claqué la porte au nez ! Une nouvelle gifle démontrant à nouveau tout le mépris patronal pour son personnel.
Bien qu’ils n’aient jamais cessé de travailler et que, selon nos informations, leur employeur n’a pas perdu de mandat, ces militants font partis des cinq employés mis à la porte par cette PME genevoise de 280 employé-e-s. Alors que les autorités avaient déjà élaboré toutes les mesures nécessaires pour éviter des licenciements, TN SA a malgré tout sauté sur l’occasion pour faire son « ménage de printemps ».
“On n’a jamais arrêté de travailler, comme le soulevait aujourd’hui José* devant les médias. Les samedis, les dimanches... comme des esclaves, toujours à la disposition de notre employeur, on a même fait des déménagements, de la manutention, alors qu’on a un contrat de nettoyage... Tout ça pour sauver l’entreprise, et voilà comment on nous remercie !”.
Le 20 mars dernier, la société a réuni une partie de son équipe de jour, s’occupant majoritairement des nettoyages de fin de chantiers et des conciergeries, et a annoncé le licenciement sous prétexte qu’elle n’avait “plus de travail”. Dix jours plus tard, ces mêmes employés ont pourtant été informés qu’une demande de chômage technique avait été déposée, permettant “d’assurer le 80% du salaire brut, en cas de baisse ou d’arrêt momentanée” de leur activité.
Mandaté, le SIT a contesté les licenciements, clairement abusifs, et a demandé la réintégration du personnel concerné. En effet, l’entreprise a préféré procéder aux licenciements suite à la baisse d’activité, qui est toujours à prouver, avant même de demander le chômage partiel qui aurait permis de sauver les postes.
Réponse de l’entreprise ? Silence radio, même pas un accusé de réception de l’administratrice, qui devrait pourtant être attachée au partenariat social puisqu’elle siège au sein de la paritaire romande du nettoyage.
… Aux vacances forcées.
Mais les abus ne s’arrêtent pas là. Une des collègues de Pronet SA était présente pour témoigner d’autres pratiques crasses dont le personnel de cette société a été victime en cette crise sanitaire.
En date du 19 mars 2020, cette PME romande de 400 employé-e-s, a exigé de l’ensemble de son personnel qu’il pose des jours de vacances jusqu’à la fin du mois de mars, période pour laquelle il avait droit au RHT, dans le prétendu but « d’assurer leurs salaires » et de « sauver l’entreprise » ! Pire encore, ce courrier s’est accompagné de menaces orales : en cas de refus, les employé-e-s ne seraient pas rémunérés pour les heures non-travaillées. Certains d’entre-eux, sous la contrainte, ont suivi les ordres donnés, mais n’ayant pas assez de vacances, ils n’ont reçu qu’un salaire partiel.
Nous comptons sur les autorités compétentes pour s’assurer que les entreprises bénéficiant des RHT auront bien indemnisé les collaborateurs pour lesquels la demande a été faite, sans pour autant déduire de vacances ou d’heures supplémentaires.
Malgré l’intervention et les relances du SIT, la direction a démontré tout son mépris pour son personnel, écrivant noir sur blanc « ne pas avoir le temps » de répondre.
Partenariat social au point mort
Ces différentes situations dénoncées par le SIT démontrent que le patronat genevois n’a que peu d’intérêt pour le partenariat social. Preuve supplémentaire s’il en fallait : la demande syndicale de rencontre avec l’AGENS est restée sans réponse. Pourtant légitime, elle visait simplement à s’assurer paritairement de la bonne application des mesures de l’OFSP et de la bonne protection de la santé des employé-e-s.
Grand oublié de la crise sanitaire, le personnel d’entretien, pourtant en contact direct avec le virus, n’a bénéficié d’aucune disposition spéciale pour la préservation de sa santé, ou pour le contrôle de ses conditions de travail.
Preuve en est, le témoignage d’un travailleur de TN SA, "en pleine crise, on a dû nettoyer durant une semaine le 5ème étage des HUG, sans aucune protection digne de ce nom, alors qu’on devait débarrasser des lits, des déchets comme des serviettes hygiéniques usées... On était en permanence en danger, sans masque ni gants et tout le monde s’en fout !".
Incertitude économique, précarité accentuée
Déjà soumis à des bas salaires et, souvent, à des temps partiels contraints, les nettoyeur-euse-s subissent de plein fouet la crise. Lorsqu’elles-ils ne se retrouvent pas au chômage ou à l’hospice général, les salarié-e-s ne touchent que 80% d’un salaire déjà faible. Rappelons-le, la très grande majorité du personnel de nettoyage gagne moins de CHF 4’000.- par mois. Ainsi, le personnel mis au chômage technique n’arrive pas à subvenir à ses besoins les plus élémentaires.
"Je n’ai pas le droit au chômage et je me retrouve à devoir aller demander l’aide sociale pour pouvoir nourrir toutes les bouches qui comptent sur moi... tout ça parce que mon employeur décide du jour au lendemain qu’il n’y avait plus de travail pour nous alors qu’il y a le chômage partiel. Voilà comment on est traité dans ce secteur" expliquait Xavier* de TN SA.
C’est pourquoi elles-ils ont déposé le 1er mai dernier, un cahier de revendication à l’attention de l’AGENS demandant la valorisation de leur travail. Celle-ci devra passer par l’instauration d’un salaire minimum de Frs. 23.- de l’heure, l’octroi d’une prime de risque et la prise en charge par le patronat du 20% de salaire perdu pour les salarié-e-s au chômage partiel.
Enfin, parce que les nettoyeuses et nettoyeurs qui entretiennent les bâtiments publics exigent que l’Etat de Genève mette fin à l’indignité de leurs conditions de travail, elles-ils ont déposé, une nouvelle fois, un cahier de revendications à l’exécutif de l’Etat demandent leur ré-internalisation. Plus que jamais la crise a démontré que les métiers les plus essentiels, comme le nettoyage, ont été externalisés pour des questions purement économiques. Néanmoins, en sous-traitant cette tâche, l’Etat est complice d’un véritable dumping social et salarial dont la seule victime est le personnel.
* Prénoms d’emprunts
Pour tout renseignement complémentaire : Merita Elezi, secrétaire syndicale responsable du secteur du nettoyage